Edito 2023 : La Formation Professionnelle et la Cour des (mauvais) comptes

En 2021, le taux de chômage des jeunes a atteint son plus bas niveau (15,9%) depuis 30 ans. Les primes à l’embauche d’apprentis expliquent, en partie, une progression historique du nombre de contrats d’apprentissage. De 446000 contrats, nous sommes passés à près du double en 2021 (892000) !

Chacun y trouve son compte. Les jeunes se réjouissent d’entrer dans la vie active et de devenir autonomes plus rapidement, les entreprises y voient une solution pour répondre à une pénurie de main d’œuvre qualifiée en formant à coût raisonnable les compétences de demain et Pôle Emploi voit sortir de ses chiffres des milliers de chômeurs.

Malgré tout, des voix s’élèvent pour critiquer le financement et le manque d’anticipation de cette explosion de contrats d’apprentissage. La Cour des comptes pointe ainsi du doigt le déficit abyssal de France Compétences pour critiquer « des mesures non financées ».

La situation financière de France Compétences est pourtant fortement contrebalancée par des résultats économiques exceptionnels :

  1. Les chiffres de l’emploi s’améliorent. Le nombre de chômeurs a considérablement diminué, provoquant de fait une chute brutale des dépenses d’indemnisations de la part de Pôle Emploi.
  2. La croissance, ces deux dernières années, dans un contexte international gravement défavorable se maintient. Dans la branche informatique par exemple, le recours à l’apprentissage a permis à de nombreuses entreprises de se développer et la croissance a atteint des niveaux records (+9.2% en 2021). Dans de nombreux secteurs, les entreprises trouvent la main d’œuvre nécessaire à leur développement grâce à l’apprentissage.
  3. L’impact de ces recrutements sur la société est très significatif. La hausse massive du niveau de l’emploi durant ces deux dernières années génère des retombées positives nombreuses. La consommation des jeunes provoque un gain de croissance considérable. On peut s’interroger aussi sur le coût supplémentaire qu’aurait dû supporter la société pour les jeunes, qui faute d’emploi, auraient dérivé vers l’isolement, la précarité ou la délinquance.

La Cour des comptes saura-t-elle revoir ses conclusions pour élargir son analyse des retours sur investissement et ses recommandations ?

Le constat est que l’emploi en France coûte trop cher. En particulier, celui des jeunes actifs qu’il faut former. Avec les primes à l’embauche d’apprentis, l’Etat avait trouvé une solution, aux résultats très encourageants, qu’il aurait fallu aujourd’hui renforcer et affiner. 

En début d’année, la Cour des comptes avait aussi épinglé le financement du CPF et son utilisation. Là encore, sans mesurer réellement les impacts positifs de sa création.

Certes, le dispositif a connu de graves dysfonctionnements. Mais s’affranchir de l’aide des OPCO pour orienter, tracer et contrôler le CPF a probablement été une erreur. Les OPCO auraient pu mettre en place une logique d’abondement par branche, suggérer des versements complémentaires conventionnels et coordonner une politique d’actions prioritaires. L’abondement massif des entreprises, des branches et des titulaires eux-mêmes, promu et expliqué par les OPCO, aurait financé une bonne partie des dépenses supplémentaires. Un suivi et un contrôle par les OPCO des certifications passées par les salariés auraient sans doute limité le nombre de fraudes. Etc...

La mise en place accélérée de moncompteformation.gouv.fr et des failles multiples discréditent aujourd’hui les acteurs de la formation et de la certification et génèrent encore des abus de toutes sortes. On fait perdre du temps aux responsables et acheteurs de formations qui abandonnent les projets d’abondements de CPF si durement mis en place. On détruit l’investissement des organismes de formation qui développaient depuis des années des offres structurantes aboutissant à des certifications.

Les apports du dispositif sont pourtant nombreux :

- le CPF a été accélérateur de carrière pour de nombreux salariés qui ont pu monter en compétences rapidement et anticiper des changements de poste

- le CPF a permis à de nombreux demandeurs d’emploi de disposer de certifications clefs pour retrouver du travail

- le CPF a été un outil formidable pour lancer des milliers de Français dans l’entreprenariat

- le CPF a engagé efficacement la reconversion d’actifs qui avaient parfois juste besoin d’une compétence supplémentaire et d’une certification acquises en 8 jours

Ces dernières années, les changements continuels de direction et de stratégie de financement ont eu un impact négatif sur l’image de la formation professionnelle sans jamais mettre en valeur les gains formidables que génère l’investissement formation pour l’économie.

En dépit des écueils et des revers, il reste cependant permis de croire qu’un jour les financements et les dispositifs de formation seront stables et que les salariés pourront construire, dans la durée, un vrai projet professionnel.